Les Amazighs constituent le peuple autochtone du nord de l’Afrique, y compris le Sahara.
Depuis l’antiquité leurs territoires (qui s’étendent de l’oasis de Siwa en Égypte jusqu’ à l’Archipel Canarien) ont connu plusieurs vagues d’envahisseurs : phéniciens, romains, vandales, byzantins, arabes, espagnols, italiens, turcs et français. Malgré des politiques d’assimilation forcée mises en œuvre avec acharnement par les colonisateurs successifs, les Amazighs, notamment ceux vivant dans les régions les plus reculées (notamment dans les zones montagneuses et les déserts) ont pu préserver leur identité ancestrale.
Ils sont aujourd’hui plus de trente millions, inégalement répartis sur une dizaine de pays : Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte (oasis de Siwa), Espagne (Canaries, Ceuta, Melilla), Niger, Mali, Burkina-Faso et Mauritanie.
La grande majorité (environ 75%) de ce peuple éclaté vit au Maroc et en Algérie. Tamazight (la langue amazighe) dispose d’un système d’écriture original, appelé
«tifinagh», développé il y a plus de 3000 ans, mais elle s’écrit également en caractères universels (dits latins).
En Tunisie plus que dans les autres pays, les populations amazighophones sont difficiles à dénombrer avec exactitude à cause d’une part de l’absence de statistiques officielles et d’autre part de leur très grande dispersion géographique.
Selon nos estimations basées à la fois sur nos observations faites sur le terrain, sur les données démographiques régionales et sur des études indépendantes, les amazighophones représenteraient environ 10 % de la population totale du pays, soit un million de personnes.
Ils sont principalement concentrés dans le sud de la Tunisie (Djerba, Matmata, Tataouine, Médenine, Kebili, Tozeur) mais il subsiste également plusieurs groupes formant des villages de quelques centaines de personnes à plusieurs milliers de personnes sur la côte méditerranéenne et à l’ouest, le long de la frontière avec l’Algérie (Monts de Tebessa, El Kef, Siliana) et dans la région de Gafsa. Ils sont également nombreux à avoir émigré en Europe et dans les grandes villes tunisiennes où ils exercent notamment les métiers d’artisan et de commerçant.
Profitant d’une certaine liberté retrouvée suite à la chute du régime dictatorial de Ben
-Ali, les Amazighs de Tunisie ont créé en juillet 2011, leur première association. Ils avaient prévu de la dénommer «Association des Amazighs de Tunisie» mais le Ministère de l’Intérieur leur a imposé de lui donner le nom d’«association tunisienne de la culture amazighe».
La position de la Tunisie officielle concernant les Amazighs, c’est tout simplement que ceux-ci n’existent pas, ou plus exactement n’existent plus. C’est un grave déni du droit à la vie. Des centaines de milliers de personnes parlant la langue amazighe et pratiquant leur culture au quotidien, sont ignorés, occultés.
La Tunisie veut bien reconnaître que les Amazighs sont le peuple premier de ce pays mais il n’en resterait plus aucune trace aujourd’hui. Par une simple affirmation autoritaire et mensongère, l’existence des Amazighs est ainsi effacée du paysage tunisien. Les seuls vestiges de cette «civilisation disparue» sont soit «conservés» dans les musées, ou s’affichent dans l’artisanat traditionnel et le folklore, exploités à des fins touristiques.
La langue amazighe encore pratiquée par les populations amazighes du nord au sud de la Tunisie, est officiellement présentée comme un dialecte local, dérivé de l’arabe. L’autre «preuve» pour nier l’existence du fait amazigh en Tunisie, c’est que, d’après les autorités, personne n’affirme ni ne revendique son amazighité dans ce pays.
Cela est en partie vrai et la raison en est que les Amazighs de ce pays n’osent pas manifester et vivre pleinement leur identité, à cause de la peur de la répression des autorités.
Le système desurveillance policière et les violences institutionnelles (menaces, intimidations) exercées «à titre préventif» constituent des moyens de dissuasion efficaces envers les citoyens. En conséquence, les Amazighs de Tunisie n’osent même pas dire librement et sans crainte qu’ils sont Amazighs et vont jusqu’à se priver de parler leur langue dans les espaces publics. Ils se préservent ainsi de la menace policière au prix de leur silence et du refoulement de leur identité.
L’amazighité en Tunisie est complètement prohibée et la seule identité autorisée, proclamée et imposée, c’est une identité fondée sur l’islamité et l’arabité. Toute affirmation ou revendication d’une autre identité, notamment de l’identité amazighe, peut être qualifiée par les autorités comme un acte de trahison.
Par conséquent, et bien qu’ayant ratifié de nombreux instruments universels des droits de l’homme, la Tunisie n’en respecte pas les principes.